Thomas Grunzig
Le « Café serré » de Thomas Gunzig du mardi 22 octobre sur la Première radio…
Bonjour Georges, bonjour tout le monde.
Alors, vous le savez, la semaine dernière, Rik Daems a émis cette
idée assez subtile et totalement révolutionnaire que l’on pourrait
contraindre les chômeurs au chômage depuis un an à rendre de menus
services d’intérêt généraux à la société.
Voilà, donc, nous allons le voir, Rik Daems, en toute bonne place sur
les listes du prix Nobel d’économie. Car en effet, quelle bonne idée
que personne n’avait eue avant lui : contraindre les chômeurs, qui n’ont
donc pas de travail, à travailler pour rien sur des petites tâches
susceptibles de les épanouir : un peu de classement, une petite corvée
administrative, un peu de jardinage dans le parc, un peu de nettoyage de
trottoir. Enfin, bref, n’importe quel chouette petit truc, histoire
qu’ils se rendent un peu utiles pour une fois, nom de Dieu.
Et que surtout, comme le disait Christine Defraigne avant-hier dans
Mise au point, je la cite : « pour qu’ils se lèvent le matin ». Et ça,
c’est vrai que c’est ça le plus énervant avec ces chômeurs, c’est bien
le fait qu’ils dorment le matin. C’est un phénomène bien connu qui a
valu d’ailleurs à l’auteur de sa découverte le prix Nobel de biologie.
C’est scientifique, les chômeurs dorment tard.
Nous autres, les travailleurs, nous nous levons à l’aube, nous
travaillons plus pour gagner… heu… enfin, nous travaillons plus. Et
pendant ce temps, le chômeur, lui, il dort bien à l’aise dans ses draps
de soie sous une couette en duvet d’oie dans sa chambre dorée parfumée à
la lavande avec à côté de lui, sa magnifique compagne chômeuse qui,
bien entendu, dort aussi. Et ce chômeur qui dort le matin, et ça c’est
vraiment le plus choquant, peut-être même qu’il rêve. Alors, à quoi il
rêve ? Ça, ça reste un mystère, dans la mesure où sa vie, nous le
savons, est déjà un rêve. Sinon, d’ailleurs, pourquoi y en aurait-il
autant de ces chômeurs ?
Évidemment, ce chômeur qui dort le matin, il finit par se réveiller.
Eh bien oui, même un chômeur doit pisser de temps en temps. Là au moins,
nous sommes à égalité. Alors il se lève, il ouvre la fenêtre et il
regarde la vue sur Venise, la lagune. Un domestique accourt et lui
apporte ses Cracottes à la truffe et il se dit « Encore une belle
journée au crochet de ceux qui se lèvent tôt. ». Oui, Georges, oui
Bertrand, pour les bourreaux du travail que nous sommes, cette réalité
est insupportable. Et c’est pour ça aussi que l’idée de Rik Daems, c’est
d’abord une bonne idée pour empêcher ces fichus chômeurs de dormir le
matin, nom de Dieu.
Et puis, bien entendu, l’autre avantage de l’idée de Rik Daems, c’est
bien entendu que les types qui faisaient un peu de classement, qui se
tapaient les corvées administratives, qui se coltinaient le jardinage ou
le nettoyage du trottoir, et qu’on devait payer, eh bien, on pourra les
virer vu qu’ils seront remplacés par des chômeurs. Et ça, c’est bien
parce que du coup, ça va faire des économies à la collectivité.
Alors, attention Georges, je l’entends d’ici votre objection : « Oui,
mais alors, Thomas, espèce de crétin, les anciens travailleurs
remplacés par les chômeurs ne sont-ils pas devenus eux-mêmes des
chômeurs ? ». Mais, mon cher Georges, réfléchissez deux minutes. Bien
entendu qu’ils seront devenus chômeurs. Mais un an plus tard, il faudra
que, eux aussi, ils remplacent pour rien des gens qui travaillent et qui
de ce fait deviendront chômeurs et qui à leur tour remplaceront d’autres
travailleurs.
Si bien qu’à la fin, il n’y aura plus que des chômeurs chômant qu’on
empêchera de dormir mais travaillant pour rien. Économie substantielle,
énorme gain d’argent que nous pourrons consacrer à la relance.
Non,
Bertrand, ne demandez pas à la relance de quoi. Dans la relance, ce
n’est pas ce qu’on relance qui compte mais bien le fait que ce qu’on ait
relancé ne revienne jamais. Et ça, c’est une phrase à méditer jusqu’à
demain.
avanti4.be
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire